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L’impermanence - spécial famille

2023.01.03 Caroline Pierre, Conservatrice adjointe à l’éducation undefined min

Faye HeavyShield, Where You Were, Here I Am, 2020. Photo : Paul Litherland, 2022.

Chaque saison, le département de l’éducation propose aux enfants de 7 à 12 ans de réunir leur famille pour explorer le contenu d’un article, créer et s’amuser!

Toute la famille est invitée à participer et à échanger. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. D’ailleurs, on a le droit de ne pas être d’accord, mais il faut expliquer son point de vue et surtout écouter celui des autres.

Réfléchissons ensemble

Qu’est-ce qu’une démarche organique?
Qu’est-ce que l’impermanence?
Est-ce que la terre et le temps peuvent être des matériaux de création?
Est-ce que les musées peuvent collectionner des œuvres impermanentes?

Démarche organique : Une démarche organique peut être définie comme une méthode de travail ou de création dans laquelle l’artiste n’a pas d’idée prédéfinie de son œuvre. Il ne sait pas à quoi l’œuvre va ressembler à la fin de son travail de création.

Impermanence : Caractère de ce qui n’est pas permanent, de ce qui ne dure pas et change sans cesse.

L’artiste visuelle Faye Heavyshield cite en exemple le courant de la rivière qui est en perpétuelle transformation. Celui-ci lui fait penser au déroulement de nos vies. Effectivement, plusieurs étapes marquent nos vies, de l’enfance à l’adolescence, de l’adolescence jusqu’à l’âge adulte, de l’âge adulte jusqu’à la vieillesse.

Nous traversons chaque étape en tant que nous-mêmes. Cependant, est-ce que ce « nous-mêmes » est toujours exactement le même? Bien sûr que non! Entre l’enfance et l’âge adulte, des changements physiques et émotionnels sont apparents. La même chose se produit avec la rivière, c’est la même rivière, mais elle est à la fois toujours différente! L’eau bouge, elle porte en elle un passé, mais aussi un présent et donc un futur, comme nous!

Découvrons la thématique

L’impermanence caractérise la pratique artistique de Faye Heavyshield. Effectivement, l’œuvre n’est pas une idée préconçue qu’elle matérialise. C’est-à-dire que l’artiste n’a pas d’idée prédéfinie de ce à quoi va ressembler l’œuvre avant de commencer son travail de création. À l’image de la rivière, son travail de création est en perpétuelle transformation et c’est par le travail en atelier que l’œuvre va se définir.

Pour concevoir ses œuvres, l’artiste se laisse influencer par maints éléments tels que l’environnement, sa propre histoire, ses expériences, ses émotions, les changements qu’elle observe, ses rencontres, les limites matérielles avec lesquelles elle doit composer, etc. Par ce processus ouvert, l’artiste apprend et approfondit différents questionnements qui l'habitent. Cette démarche s’apparente à un dialogue avec l’œuvre, c’est finalement celle-ci qui finit un peu par diriger et orienter les idées de l’artiste. Faye reste ouverte, elle suit le courant dans lequel ses idées se développent, changent et évoluent.

Les œuvres d’art faisant appel à l’impermanence sont des œuvres difficiles d’acquisition pour les musées. En effet, les musées ont pour mission de conserver et de restaurer des œuvres, d’étudier et d’enrichir des collections. Alors, comment collectionner des œuvres qui ne durent pas, qui ne sont pas permanentes ou qui sont en constantes évolutions?La documentation par la photographie ou par la vidéo des œuvres qui revêtent un côté éphémère permet de les faire réexister (lors d’une consultation ultérieure de cette documentation). Une autre solution est d’ajouter dans les contrats d’acquisition de celles-ci par les musées une mention qui permet à l’artiste de poursuivre son processus de création, même une fois l’œuvre acquise. Certaines des œuvres de Faye ont été achetées par des musées qui lui permettent de les continuer. Ainsi ses œuvres sont en constante évolution !

En brouillant les frontières qui séparent les pratiques artistiques et médiatiques, l’artiste ne réduit pas ses œuvres à une étiquette précise telle que : art in situ, performance, vidéo, photographie, documentaire, textile, installation, sculpture. Par contre, bien que chaque projet de l’artiste ne se réduit pas à l’une de ces simples étiquettes, il englobe néanmoins des éléments de chacune de celles-ci.

Art in situ : In situ est une expression latine qui désigne une pratique artistique qui tient compte du lieu où l’œuvre d’art est installée. C’est-à-dire que l’œuvre est conçue en fonction de son site d’accueil et, généralement, elle ne peut être transportée en un autre lieu.

Performance : La performance est une œuvre d’art qui se présente sous forme d’une action accomplie par une ou plusieurs personnes. La danse, le théâtre et les arts de la scène s’approchent beaucoup de la performance; cependant, ces formes d’arts reposent sur l’esthétique alors que la performance soulève des interrogations.

La performance, quant à elle, mobilise la relation avec le spectateur, et les interactions humaines sont centrales dans cette pratique artistique. Le lieu ainsi que l’ensemble des gestes réalisés par l’artiste ont de l’importance puisque ces éléments font partie intégrante de l’œuvre performative. Pour documenter une performance, plusieurs moyens existent. Le premier est d’assister à celle-ci. Notre mémoire conservera alors un souvenir de cette œuvre. Autrement, si nous ne pouvons pas y assister, nous devons photographier, filmer ou réaliser un enregistrement sonore de la performance afin de pouvoir la visualiser plus tard.

Exemple de performance : Faye Heavyshield, 2020 Clan

Installation : Une installation est une œuvre d’art qui mobilise l’agencement de plusieurs objets et d’éléments indépendants les uns des autres, mais qui constituent ensemble un tout. Proche de la sculpture et de l’architecture, l’installation est souvent conçue pour un lieu spécifique (in situ) dans le but de modifier la perception de l’espace.

L’un des objectifs de l’installation est de créer une œuvre en fonction du spectateur et du lieu de présentation. Au contraire de la sculpture, l’installation invite parfois le visiteur à être actif. C’est-à-dire qu’elle incite le spectateur à se déplacer au cœur de l’œuvre ou à changer de point de vue.

Regardons l’installation:

Qu’observes-tu dans cette installation? Est-ce que les trois œuvres (Clan, The grandmothers et Where You were, Here I Am) qui la composent sont des œuvres indépendantes?
Observes-tu des similitudes entre les trois œuvres?
Que signifie le symbole du drapeau?
Que signifie le geste de planter un drapeau sur un territoire précis?
Qui sont les personnes que nous voyons sur les écrans planter les drapeaux?
Est-ce que la terre (le territoire) et le temps peuvent être des matériaux de création?

Apprenons sur l’artiste

Faye HeavyShield est membre de la Confédération des Pieds-Noirs et de la Première Nation Kanai (Gens-du-sang) de la région des Foothills au sud de l’Alberta.
Elle travaille avec des éléments qui sont facilement accessibles autour d’elle tels que l’environnement immédiat ainsi qu’avec des outils familiers.
Son travail est minimaliste, elle utilise des moyens assez réduits comme la fragilité des matériaux. Ses œuvres ne sont jamais monumentales.
L’artiste s’intéresse particulièrement au rapport entre le corps, le territoire et le paysage.
Faye ne fait pas de différence entre le corps et le territoire. Elle avance que, puisque nous devons prendre soin de nous-mêmes et que nous dépendons également de la terre, nous devons prendre soin de celle-ci.

Faisons des liens

Par cette œuvre installative, l’artiste :

Illustre que des gestes sans effet durable pour la terresont poséset que ces actions sont une façon de reconnaître que cette dernière est soumise à des fluctuations constantes
Souligne le caractère impermanent de la présence des femmes sur la terre et la nature transitoire de la terre elle-même;
Évoque des relations : les liens de parenté entre les femmes ainsi que les liens qui les unissent à la terre;
Démontre que la communication entre les femmes et la terre passe par leurs actions.

Cela nous amène à réfléchir :

Au caractère impermanent de nos vies;
Aux effets et aux répercussions de nos gestes et actions sur la terre;
À notre rapport aux corps et au territoire.

Amusons-nous : Conçois une installation

Et si tu t’essayais à la pratique artistique de l’installation? Dans le présent atelier, nous t’invitons à explorer la mise en relation d’une personne, d’un objet (drapeau) et d’un territoire.

Comme matériel, tu auras besoin des articles suivants :

Papier de construction (ou autre papier épais) blanc;
Tige de bois (brochette pour le BBQ);
Au choix : feutres, crayons de couleur en bois ou cire, pastels à l’huile, etc.;
Crayon à la mine;
Règle;
Colle en bâton ou colle blanche liquide;
Imprimante (facultatif).

Suis la démarche suivante :

1. Dessine un grand drapeau sur le papier que tu as choisi. Pour ce faire, trace à l’aide d’une règle et d’un crayon à la mine un long rectangle de 2 centimètres de large par 14 centimètres de haut, puis fais une marque à 7 centimètres de la hauteur (pour indiquer le centre de celle-ci). À partir de cette marque, trace une ligne horizontale de 18 centimètres. L’extrémité de cette ligne indique la pointe de ton triangle. Réalise ton traçage d’un trait léger afin que tu puisses l’effacer une fois ton drapeau terminé.

Maintenant, à partir du coin supérieur droit du rectangle, rejoins la pointe de ton drapeau en traçant une ligne diagonale. Termine ton drapeau en reliant le coin inférieur droit à cette pointe.

Si tu as de la difficulté à le tracer, tu peux imprimer le modèle suivant sur un papier légèrement cartonné ou bien tu peux l’imprimer sur un papier régulier, le découper puis retracer son contour sur un papier de construction de ton choix.

Modèle - PDF

2. Songe à une personne qui revêt une importance particulière pour toi. Réfléchis à ses goûts, ses caractéristiques, ses envies, ses désirs, ses passions et à tous les petits détails qui font d’elle ce qu’elle est. Une fois que tu auras établi une carte mentale de cette personne, dessine à l’aide des feutres ou des crayons de couleur de ton choix les éléments qui la représentent sur le drapeau.

3. Une fois ton drapeau terminé, mets de la colle dans la section du rectangle. Appose la tige de bois sur la bordure droite du rectangle. Plie le rectangle sur la tige et maintiens le tout quelques instants (minimum 30 secondes) afin que ça colle bien.

4. Remets ton drapeau à la personne pour laquelle tu as réalisé celui-ci et invites-la à le planter dans le territoire de son choix, puis documente cette action en prenant une photographie de ce moment.

5. Veille à ne pas omettre de récupérer ton drapeau à la fin de cette action, afin de laisser le territoire dans le même état qu’il était avant votre arrivée.

Concluons la discussion

Maintenant que tu as lu, observé, appris et exploré, est-ce que tu as changé d’idée? Ou bien, peux-tu compléter ta réflexion de tantôt?

Est-ce que la terre et le temps peuvent être des matériaux de création?
Est-ce que les artistes ont toujours une idée prédéfinie de leurs œuvres?
Est-ce que les musées peuvent collectionner des œuvres impermanentes?
Comment pouvons-nous documenter le caractère impermanent de nos vies?

Ce texte a été rédigé par Caroline Pierre conservatrice adjointe de l’éducation du MAJ et relu par Ariane Cardinal, conservatrice à l’éducation.